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mercredi 23 novembre 2011

Modèle thérapeutique de T.NATHAN : comment aider les victimes de sectes

" Longtemps après avoir quitté le groupe, définitivement rompu tout lien avec l'organisation, les personnes ne parviennent pas à extraire la secte du centre de leurs pensées. Malgré les efforts pour s'intégrer, entreprendre de nouveaux projets, les ex-adeptes traversent des périodes de grande fatigue durant lesquelles ils se découvrent cette même fragilité. Il suffit alors d'un rien pour qu'explose la colère, surgisse l'angoisse et s'installe à nouveau la confusion du quotidien, venant leur rappeler qu'un noyau a été touché dans leur être.".
 Nathan et Swertavaegher, Aide psychologique aux ex-adeptes de sectes : l'exemple d'une démarche ethnopsychiatrique, 2002.
Ces chercheurs se sont heurtés à une population qu'ils ne connaissaient pas, et n'imaginaient pas découvrir ce qu'ils y ont découvert.
Entre 1998 et 2002, ils ont reçu au centre G. Devereux plus de 50 profils différents d'ex-adeptes de secte, 90 sujets au total.
Ils disent avoir dû faire tomber leurs préjugés. Ils ne devaient plus seulement se centrer sur le discours de l'ex-adepte, comme il est coutume de le faire dans la démarche clinique, mais s'intéresser de très près à chacune des croyances des personnes en difficulté psychologique. En effet, selon eux,  il est très difficile d'aider un ex-adepte sans connaître les dogmes sur lesquels reposent sa culpabilité, sa honte, ses peurs, son envie d'y retourner...
Il faut le rejoindre dans son histoire, ne pas avoir peur de s'en imprégner.
La première chose qu'ils notent est que ces personnes ont vécu quelque chose "hors du commun", et qu'ils ont dû développer des formes de souffrances psychologiques particulières. Par conséquence, le dispositif d'aide se devait d'y être adapté. C'est l'approche centrale de l'ethnopsychiatrie.
Ils ont donc crée un cadre thérapeutique particulier, qui prenne en compte la dimension du groupe sectaire, non pas, comme étant un groupe imaginaire mais bien réel, et actif.
En effet, beaucoup de psychologues, psychiatres etc...mésestiment l'impact du groupe sur l'individu, ne se centrant que sur l'individu. Hors, pour que l'adepte existe, le groupe doit être considéré comme une entité à part entière. L'adepte dans son groupe est en perpétuelle interaction avec celui-ci, et l'un existe par la présence de l'autre.
Il a été remarqué par les chercheurs ci-dessus, ainsi que par les associations d'aide aux victimes de sectes que ces personnes là ont beaucoup de mal à entamer une démarche thérapeutique, à entrer dans un cadre psychothérapeutique.
Ayant été abusé une première fois et en état de grande vulnérabilité, il reste la peur de s'en remettre à une personne "qui de toutes manières, ne pourra comprendre ce que je vis...", d'où l'intérêt pour l'accompagnant de connaître et comprendre le cadre religieux de l'adepte ainsi que ses croyances personnelles.
Le concept de  "Vérité" revient dans quasi tous les discours de sortants de sectes, quelque soit le mouvement. Et cette notion de Vérité devra être prise en compte dans la compréhension de ce qui se joue pour le sujet mais aussi dans l'interaction thérapeutique. Celle-ci est centrale, omniprésente. Quelle est cette vérité que le sujet détenait jusqu'alors, et qu'il a maintenant si peur de perdre?
Le but de la thérapie sera donc de permettre à l'ex-adepte "d'accéder à ses propres capacités de jugement",de l'aider à faire  un pas de côté...de voir, avec lui, ce qu'il y a de comparable ou de dissemblables ailleurs, de démonter doucement "l'intelligence" du système, tout comme le groupe sectaire a lui-même "monté" le dogme autour du sujet. 
Pour cela, il faudra peut être analyser un dogme après l'autre, comprendre sa raison d'être, et surtout...sa relativité. Hors du système sectaire, que vaut-il? As-t-il toujours un sens? Pourquoi les papous de papouazie agissent différemment et sont heureux? Pourquoi telle religion ayant elle aussi ses dogmes, agirait de manière plus souple? Depuis quand le groupe existe? Qui  le dirige? Il faudra certainement aider, accompagner l'ex-adepte dans cette démarche, car pour lui, fouiller les fondements de son mouvement peut s'apparenter à une double trahison. Il en est d'une part sorti, mais en plus, il tente d'en trouver les failles. Selon les mouvements, il s'agit d'apostasie, le pire des péchés pour un adepte membre d'une secte millénariste.
Mais cela ne suffit pas, T. NATHAN (2003) remarquera que même en sachant que le groupe auquel ils ont appartenu était une secte, les sujets continuent de regretter une partie de leur ancienne vie. C'est  "l'intensité d'une sorte de lien social", le lien au groupe qui est un  manque terrible. MAES (2002), compare ce manque au manque addictif, et à divers égard les symptômes sont similaires.
Les croyances intégrées durant toute la durée de l'embrigadement, ne disparaissent pas d'un simple coup de baguette magique, même si la personne sait que tout est faux....Il reste l'empreinte. L'empreinte d'énoncés, de règles, de versets  tambourinés pendant des années, tous les jours!  Il s'agit d'un véritable apprentissage conditionné.
Ne trouvant de place, ni dans leur nouvelle vie, ni dans l'ancienne, l'envie d'y retourner reste tenace : "Je sais que cela fait mal, mais au moins je sais où je suis...le monde dans lequel j'entre ne me comprendra pas, est dangereux, bien plus que de là où je viens..."
" Les sentiments des sortants de sectes
   Sentiment dépressif avec quelques constantes : 
  •   Arrêt de la pensée, leur interdisant de comprendre ce qui leur est arrivé, de construire de nouveaux projets de vie..
  •   Sentiment d'avoir perdu une part importante de leur vitalité dans la secte : sensation de solitude profonde et constante isolée, sans affiliation fonctionnelle, sans goût à la relation.
  • Ils ne parviennent plus à faire la distinction entre leur propres pensées et celles inculquées par la secte. 
 Aide thérapeutique, schéma d'intervention : 
- Parasitage : la secte laisse des traces, même lorsque la personne en est sortie depuis longtemps.
- Asthénie : la perte de goût à la vie est constante, il n'y a plus d'intérêt à entreprendre des activités  x ou y .. 
  • Déconstruction : T. NATHAN parle de déconstruire les attaches encore existantes.  C'est là que l'on entre dans le récit de vie de la personne et qu'il est possible de l'accompagner dans cette déconstruction (par les questions plus haut invalidant la théorie de la vérité unique et la supprématie de la tête pensante du groupe) La difficulté vient du fait que "cette vérité" s'est infiltrée très profondément dans le coeur des personnes.
  • Expliciter l'intentionnalité cachée du mouvement, en examinant dans le détail la stratégie qui sous-tend la fabrication des dogmes, rites..
  • Prendre au sérieux l'intention du groupe sectaire de modifier les personnes.         Examiner les théories développées au sein du groupe, même si elles paraissent non pertinentes, et les considérer comme indépendantes (objets parasites) du sujet, sachant  qu'il est possible de s'en défaire.                                                                                        
  • Reconstruire avec le sujet les différentes théories à partir desquelles il a été pensé par le passé.
1. Traiter les événements traumatiques
2.Rendre apparent les mécanismes de fonctionnement des groupes dans lesquels les personnes ont été plongées.
3. Identifier les intentionnalités à l'oeuvre dans les groupes.
4. Rechercher les traces parasites continuant à agiter au coeur du fonctionnemetn psychique des personnes.
5. Partir à la recherche des attachements antérieurs (familiaux, culturels, idéologiques...)
6. Permettre à la personne d'élaborer de nouvelles modalités d'être.
Selon certains cliniciens l'adhésion à une secte serait comparable à une addiction, ce qui à mon sens n'est pas faux et qui se retrouve dans le sentiment de manque que le sujet éprouve depuis sa sortie et longtemps après. Cependant, je ne suis pas certaine que l'on puisse aider un sortant de secte de la même manière qu'une personne ayant une addiction comportementale. 
Les ex-adeptes ayant réussi à sortir  de l'engrenage de la peur de l'autre, de la solitude omniprésente, des pensées ruminantes, et qui parviennent à avoir un certain recul sur leur cheminement personnel disent avoir dû faire un pas vers l'autre, s'être astreint à sortir, même lorsqu'ils n'en avaient pas envie...
Pour le traitement des addictions, certains préconisent l'ajout de petits plaisirs dans la vie de la personnes (Lançon C). Le but n'est pas d' enlever, d'extraire l'addiction d'un seul coup, étant donné que cette dernière prend toute la vie du sujet. On demande à la personne de choisir un plaisir, un seul,  et de le pratiquer pendant quelques temps...Lorsqu'en fin la personne éprouve du plaisir à cette activité,on introduit un deuxième plaisir....et ainsi de suite. La vie de la personne ne tourne plus autour de son addiction,( le plaisir étant partagé entre plusieurs activités), et elle peut à nouveau imaginer  recréer un lien à l'autre, peut se réinsérer, et de là elle pourra reprendre confiance en elle.
Ainsi, progressivement le sujet sera plus à même de se détacher de son addiction principale.
S.T
MAES,  « La « chose » sectaire » , Psychothérapies, 2002/3 Vol. 22, p. 175-188. DOI : 10.3917/psys.023.0175 
NATHAN, T. Sortir d'une secte, Les empêcheurs de tourner en rond, Paris : Le Seuil, 2003

 
 
 
 

dimanche 9 octobre 2011

vendredi 9 septembre 2011

BARBARA, ancienne rédactrice à la Watchtowers

Ex Témoin de Jéhovah, témoin oculaire privilégié de malversations

  Introduction

De source danoise :
Dans le courant de l’automne 2005, accompagné de Bill Bowen, un ex ancien du Kentucky qui vient en aide à de nombreux enfants Témoins de Jéhovah victimes d’abus sexuels, j’ai rendu visite à Barbara Anderson.
Mon propos, en contactant Barbara, était de découvrir comment les choses se passaient, pour elle, depuis la fin de son association avec les Témoins de Jéhovah fin 2002, et je lui ai demandé si elle voulait raconter son histoire pour mon livre. Elle a accepté et m’a envoyé plus d’informations que je ne pouvais en imprimer en seulement dix pages. Nous nous sommes mis d’accord pour que je condense son histoire pour mon livre, Dommedag må vente (Le jour du jugement doit attendre), mais je lui ai promis que j’essaierai de publier la version longue de son histoire sur le site internet Gyldendal. Dans ce but, Barbara a édité les documents qu’elle m’avait fournis à l’origine, en y incluant de nouvelles informations qui ne figuraient pas dans les premiers documents qu’elle m’avait envoyés. C’est pourquoi il y a quelques différences entre le récit actuel de Barbara et celui de mon livre.
Lorsque dans un premier temps, j’ai demandé à Barbara d’écrire son histoire, je ne savais pas grand-chose des problèmes rencontrés par les enfants Témoins de Jéhovah, victimes d’agressions sexuelles. Cependant, après avoir lu le récit de Barbara, j’ai été forcé de réviser mon attitude envers ce problème sensible, et finalement j’ai décidé de révéler le témoignage oculaire de Barbara, car il semble représenter une part importante de l’histoire récente des Témoins de Jéhovah indépendamment du nombre des cas.
Je suis sûr que la question relative à la pédophilie, à l’intérieur de l’organisation des Témoins, est des plus complexes ; en effet, les Témoins de Jéhovah en tant que mouvement, aurait pu être choisis par des pédophiles individuellement ou en groupe, parce que cette organisation est de structure patriarcale et fondamentaliste.
Cependant, depuis le début, la politique concernant les abus d’enfants Témoins semblent avoir été un problème, et malgré que les responsables de l’organisation ont maintenant changé d’attitude et ont décidé de réformer leurs politiques, ils semblent qu’ils aient toujours des problèmes à ce sujet.



SUITE ici :http://www.testimoni-di-geova.info/spip.php?article6 : 20 pages instructives sur le fonctionnement des TJ de l'intérieur, du comment achètent -t-ils leurs immeubles, au comment sont traitées les questions de pédophilie en interne...puis à la rédaction des livres, support de l'endoctrinement.

vendredi 26 août 2011

ADFI Comment reconnaître une secte?

ADFI

1. Définition

Les critères de jugement ne sont pas au niveau idéologique des croyances mais au niveau des agissements et des comportements qui portent atteinte aux droits de l'homme, à la dignité et à la liberté de la personne humaine.
Une secte est un groupe dans lequel on pratique :
- une manipulation mentale qui entraîne : endoctrinement, contrôle de la pensée, viol psychique.
- une destruction de la personne : sur un plan :
physique : alimentation carencée, manque de sommeil, travail intensif;
psychique : altération de la personnalité, du comportement et de l'esprit critique;
intellectuel : rétrécissement des champs de connaissances extérieures à la secte;
relationnel : régression des capacités de communication;
sociale : animosité totale envers le système global de la société;
- une destruction de la famille : critiques, attaques, injures, calomnies. Éloignement, rupture de la relation parents/enfants. Séparations, divorces.

Voire : une destruction de la société : soit en empêchant les adeptes de participer à la vie sociale et culturelle de leur pays. Soit en demandant à des adeptes d'infiltrer tous les réseaux de la vie économique, politique.
Avec à la base : une escroquerie intellectuelle, morale et financière.


2. Comment les sectes conditionnent-elles ?

- Un gourou : un leader incontesté, incontestable, craint, aimé.
- Une doctrine : message unique et ultime de salut.
- Un groupe : chaleureux, hiérarchisé. - Vont accomplir un conditionnement du futur adepte en quatre étapes :

Première étape : séduire et survaloriser:

En proposant des réponses simples et même simplistes aux questions complexes de l'existence (la vie, la mort, la maladie...) à l'intérieur d'un groupe a priori chaleureux.
En utilisant tous les grands thèmes mobilisateurs de notre époque : écologie, OVNI., méditation, relaxation...
En valorisant le futur adepte : "Tu es beau, intelligent, nous avons besoin de toi pour une grande mission".
En lui garantissant le bonheur, la liberté, la connaissance.

Deuxième étape : anesthésier l'esprit critique et la personnalité

En créant un état de fatigue : longues journées de travail, conférences, démarchage à domicile ou sur la voie publique, longs temps de méditation, de prière, de formation à la doctrine du groupe.
En modifiant les habitudes alimentaires : régime, jeûne,...
En créant des conditions de vie qui empêchent le futur adepte de prendre le recul nécessaire et qui l'autoriserait à réfléchir à ce qu'il fait ou vit.
En réduisant l'intimité jusqu'à la rendre dérisoire : impossibilité d'être seul un instant, obligation de se raconter, confession obligatoire et dirigée...
En modifiant le vocabulaire : le futur adepte doit s'approprier un langage qui "sonne" bien, qui fait sérieux, scientifique ou religieux, mais qui n'a de sens qu'à l'intérieur du groupe. Cette technique, sournoise, le prive de toute communication avec le monde, et en fait, paupérise sa pensée (résultat très exactement opposé à ce qui était proposé au cours de la première étape).

Troisième étape : renforcer l'adhésion au groupe et favoriser les ruptures

Abandon des études
Départ à l'étranger (pour une formation généralement)
Rupture avec la famille, les amis, la société. Toutes les informations qui proviennent de l'extérieur sont déclarées suspectes ou manipulées. Toutes les personnes qui critiquent la secte sont décrient comme négatives, dangereuses, opposantes aux progrès de l'humanité. Il est fortement conseillé de ne pas ou de ne plus les fréquenter, de les calomnier et éventuellement de les poursuivre en justice. La famille est parfois déclarée responsable de toutes les difficultés que connaît ou qu'a connues l'adepte.
La société y est représentée uniquement comme un lieu de perdition, la médecine comme inutile, la psychiatrie comme dangereuse, les religions comme complètement dépassées, la politique comme désuète. Seul le groupe conduit par SON MAÎTRE qui s'auto-proclame sauveur de l'humanité, peut conduire les hommes sur le chemin du bonheur.
Les adeptes ont alors la certitude d'avoir une mission rédemptrice à accomplir mais, leur dit-on, "la société a des résistances, des habitudes, des intérêts, on ne vous croira pas, on vous persécutera. C'est ici la preuve que vous êtes dans la vérité. N'en fut-il pas de même pour la plupart des disciples de la paix ?" Raisonnement habile. Plus on s'oppose à un adepte et plus on renforce son adhésion au groupe.

Quatrième étape : rendre le retour impossible

L'absence de revenus, de couverture sociale, de réelle expérience professionnelle, rendent le départ délicat.
Les déplacements géographiques fréquents ne permettent pas de tisser des liens avec les personnes extérieures au groupe et qui pourraient aider à un retour.
Les anciens amis n'existent plus.
Les liens familiaux ont été coupés ou sont conflictuels.
On s'est marié à l'intérieur du groupe, on a des enfants... Impossible de partir seul, il faut être deux à le vouloir en même temps.
On a peur. La discipline est rigoureuse, les punitions sont sévères, la délation est permanente, on craint le monde extérieur, on a des dettes, on redoute des représailles.
On reste, on se laisse faire.
Le bonheur, la liberté, l'épanouissement ou la connaissance sont promis à chacune des étapes, si bien que l'adepte accepte de souffrir encore plus que ce qu'il pouvait souffrir à l'extérieur (au moment de son engagement) parce qu'à chaque fois, il se dit qu'il serait trop bête de s'arrêter si près du but, que toute sa souffrance (et parfois son argent) n'aurait servi à rien. Plus l'adepte a souffert, plus il est près à souffrir davantage.

Les quatre étapes que nous venons de décrire : séduire et survaloriser, anesthésier l'esprit critique et la personnalité, renforcer l'adhésion au groupe et favoriser les ruptures affectives, sociales, et culturelles, rendent le retour impossible, tendent à créer progressivement un état de fusion et de confusion mentale qui se traduit par une grande infantilisation. Les adeptes sont alors aux ordres de leur maître et sont susceptibles de se transformer en de redoutables fanatiques. La plupart des gourous ne sont-ils pas paranoïaques ?





jeudi 25 août 2011

CLIVER POUR MIEUX REGNER, l'utilisation du clivage dans les sectes

CLIVER POUR MIEUX REGNER, l'utilisation du clivage dans les groupes sectaires.

Tous les groupements sectaires use et abuse  du clivage, comme mécanisme de défense principal.

Tout d’abord l’on tente de remettre en question chaque croyance de l'adepte, tout  en la remplaçant immédiatement par une autre, celle du mouvement.
Jusque là, la personne avait une vie normale, insérée dans son groupe d’appartenance (famille, amis, collègues de travail, vie associative…), avait un système de croyances flexible, pouvant être aisément questionné, et questionnable. 
Si le sujet adhère à ces nouvelles croyances, c’est bien parce que les anciennes étaient aussi sujettes à caution, et donc qu’il s’accordait le droit et la liberté de les discuter.

Le groupe sectaire va donc jouer sur cette liberté là. Il va discuter avec la personne pour la déstabiliser dans sa croyance.
Une fois la déstabilisation opérée, il va pouvoir introduire Sa pensée,   preuve à l’appui : Bible, Coran, tout texte dit sacré et parole unique d’un être dit supérieur.
Une croyance…puis deux puis trois….jusqu’à être parvenu à installer les bases de sa future personnalité.
La personne devient alors vulnérable. Elle se situe à la frontière de deux systèmes de croyances. Elle a encore en tête son ancienne vie, son ancienne manière de penser, mais adhère malgré elle à une nouvelle conception, sans pour autant pouvoir faire le lien entre les deux.
Puis viendra le moment où elle rejettera en bloc tout ce qui lui rappellera ce qu'elle était avant.

Toutes les croyances vont alors être entendus sur un mode dualiste :
- Bon ou mauvais, chèvre ou brebis,
- Sauvé ou détruit,
- Si je ne prêches pas …pas bien!
- Si je manque une session, séminaire ou réunion…mauvais!
- Si je suis pas baptisés…pas bien…!
- Si je ne suis pas les directives de l’organisation dans laquelle je suis ….pas bien!

Les images :
Les images données à voir sont la plupart du temps angéliques, douces, feutrées.. laissent entrevoir un avenir paisible, idéalisé, à la limite du grotesque pour les personnes de l’extérieur, « les gens du monde, les autres, le monde, les incroyants »…encore un moyen de séparer pour mieux régner.
A contrario, prenez des publications TJ…vous y verrez par opposition : la guerre, des gens apeurés, des maisons détruites, des images de famines, de foudre venant du ciel…

Toutes ces images font appel à des représentations mentales construites, et utilisées constamment, Elles commencent  à toucher la fibre « affects » et à imprégner la personne…pas très agréables à regarder.
Ces images distillent la peur, et ne laissent que deux possibilités, être dans le bon camp, ou le mauvais.

L’utilisation abusive de versets bibliques faisant mention de séparation  et de termes "tranchés"

- L’épée divine qui sépare les bons des mauvais, qui juge, tranche…
- Toute les guerres divines ayant fait des ravages et n’ayant épargnées que les personnes pures.
- Utiliser des termes cloisonnant l’intérieur de l’extérieur :" gens du monde", "les incroyants", "ne vous mêlez pas au monde", "ne vous occupez pas des affaires du monde", "ce monde ci va être détruit", ..." nul besoin de participer à des œuvres humanitaires ni d’ adhérer à une association, ce monde va être détruit" (ceci dit en passant, les mêmes « recommandations » ne sont pas appliquées plus haut puisque dès qu’il y a une catastrophe naturelle, la même organisation accourt pour apporter son aide, sauf que là c’est pour la pub!)
-  Lire des livres spirituels, et surtout ceux du mouvement. Selon le groupe à caractère sectaire, cela va de l’interdiction stricte de lire d’autres ouvrages que ceux du mouvement, à la demi-interdiction..« il est recommandé de… » qui remis dans son contexte signifie « Dieu n’aime pas ce que vous faîtes", ce qui équivaut à une interdiction.
- Préférer sa famille spirituelle à sa famille charnelle, là est la vrai famille : coupure familiale.

Je ne peux d’un simple jet recenser tout ce qui a trait à cette dualité constante, mais au final, l’individu a le sentiment d’être unifié, tout en étant morcelé. Chaque pensée qu'il aura, sera passé au crible de sa nouvelle croyance, de sa nouvelle conscience. Sauf que l'on ne peut faire taire complètement sa capacité de jugement.
Il est sans cesse partagé entre ce qui est bien ou mal, entre ce qu’il doit dire ou pas, manger ou pas, voir ou pas…
Avec le temps il s’en rend de moins en moins compte, puisqu’il internalise complètement un mode de pensées qu’il croit siennes, un mode de vie qu’il pense choisit librement.. (à voir : la soumission librement consentie, recherche de Joule en Psychologie sociale, qui montre comment parvenir à faire choisir à une personne ce que l’on souhaite qu’elle choisisse, tout en lui faisant croire que c’est elle qui fait ce choix!)
En définitive, il est pris entre deux monde réél et irréel, où l’irréalisme est premier.
Ce monde irréel est pour lui un refuge contre tout ce qui est décrié par le groupe sectaire, tout ce qui y est stigmatisé.
En somme il n’y  a plus de nuances permises, tout est blanc ou noir, d’où la difficulté pour reprendre le fil de sa vie ensuite, l’ancien adepte a du mal à avancer pas à pas et à accepter qu’en dehors du groupe sectaire, « dans ce monde », il y a des nuances, et que ces nuances sont vitales pour l’intégrité psychique.

Il faut du temps pour se reconstruire, et étant habitué à fonctionner en tout ou rien, là il se trouve perdu, ayant peur d’avancer en se faisant confiance…

S.T

vendredi 19 août 2011

LA DYNAMIQUE DES GROUPES ET LES TEMOINS DE JEHOVAH

Nous savons tous que la notion de « groupe » est le socle d’une secte.

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Pionnier le la psychologie sociale, Kurt Lewin (1890-1947) et l’un des premiers à avoir exploré la manière de fonctionner d’un groupe.
Il a mis au jour le fait que pour qu’un groupe fonctionne, il faut que se crée une cohésion sociale. Et pour qu’une idée soit admise par le groupe entier, il doit y avoir une réflexion commune, et que les membres prennent des décisions ensemble.
Dans le cas d’une secte comme celle des Témoins de Jéhovah, ce système peut être analysé très succinctement.
A savoir que chaque réunion donne l'illusion à l'adepte d'un groupe de travail, où chaque membre participe activement et prend la parole. Ce fait là permet à chaque individu d’avoir le sentiment, de par son action participative, d’être acteur de ses propres décisions.

Chaque réunion est soigneusement préparée à l’avance. Chaque adepte, ou participant actif, se doit de préparer cette réunion avant d’y venir. Sur le manuel étudié, il y a, à chaque paragraphe, des questions types, qui permettent non pas la discussion, mais d’intégrer la pensée essentielle du dit paragraphe (l’adepte a le sentiment de pouvoir discuter de ce qui est dit).
Ainsi pour chaque question posée lors de la réunion, l'adepte a le choix entre lire ou reformuler quasi in-extenso la réponse donnée par la publication, ce qui lui donne au fil du temps le sentiment d'appropriation de la dite réponse. Il la considère comme sienne, puisqu'elle sera verbalisée,  chaque semaine, devant un public d'environ une centaine de personnes.
Lewin, puis Allport prouvèrent que si un groupe parvient à amener un sujet à produire un comportement public  allant dans le sens de la norme à établir, le sujet a d'autant plus de chance d'intérioriser cette norme, puis de la considérer comme sienne.
Festinger, quand à lui montrera que si le sujet éprouve un malaise (dissonance cognitive), car il existe un écart entre ce qu'il pense et le comportement qu'il vient d'émettre, il sera amené à produire un autre comportement afin de réduire ce malaise.
En somme, plus il émettra de comportements contraires à ses anciennes croyances, plus il fera en sorte de réduire cet inconfort, en continuant sur sa lancé, afin d'être cohérent avec lui même.

Pour qu'il  y ait intériorisation d'une idée, menant à des comportements normatifs,  le groupe est donc primordial.
Il est  amplificateur d'affects et de comportements.

Donc, pour récapituler :
- le membre actif, chez lui, lit une première fois seul et/ou en famille, le chapitre, pose les questions  après lecture de chaque paragraphe (écrites à la fin de chacune des pages) , souligne la réponse dans le paragraphe afin de reformuler l’idée essentielle, et la retenir.
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- Il assiste ensuite à une réunion (5 par semaine) et il recommence mais cette fois-ci en groupe : un orateur lit la publication, pose les mêmes questions, et les participants répondent en lisant le paragraphe (questions préparées et déjà soulignées au stabilo, avec éventuellement des recherches personnelles allant strictement dans le sens de ce qui vient d’être formulé)…
Chaque participant a alors le sentiment de faire parti de ce groupe et surtout d’avoir compris le pourquoi de ce qui lui est demandé, qui est de l’ordre de la doctrine. Il devient un membre à part entière de celui-ci.
Sauf que ce n’est qu’un sentiment, une illusion et non une réalité.

POURQUOI ?

Parce que, lors de ces réunions, vous ne verrez aucun membre poser de question ouverte.
S'il n'est pas en accord avec la pensée jéhoviste, il ne pourra en aucun cas en parler ...
Pourquoi ? Parce qu’il risquerait d’être mal perçu par le groupe, et serait  mis à l’écart…
Un TJ qui doute est un TJ qui manque de foi , qui faiblit...
En fait, chaque TJ, ne fait que lire, absorber, préparer quelque chose qu’il va lire une nouvelle fois en réunion  sans avoir la réelle possibilité de poser des questions, (pour un nouvel adepte c’est assez différent, au contraire ça montre qu’il est VRAIMENT intéressé par les TJ et leurs enseignements. En revanche cela leur donne la possibilité aux TJ de mener  des discussions ciblées sur ces doutes).

La personne rentrera chez elle avec un pseudo-savoir, des tas de recommandations sur ce qu’elle peut faire, ce qu’elle doit faire, sur ce que sa « conscience » lui laisse arbitrer elle-même… elle aura l’impression d’avoir été active, ce qui amplifiera son sentiment d’appartenance au groupe.

L'adepte  Témoins de Jéhovah se posant des questions n'a pas le loisir de laisser le questionnement d'immisser dans sa vie. Il aura "éduqué sa conscience" de manière à ce que dès qu'il doute,une petite voix intérieure lui dise : « Attention, tu te relâches...tu doutes par faiblesse ou manque de foi ». Le doute est associé à une perte de foi, à un affaiblissement spirituel, visible par tous.
Soit il s’en ouvrira à un ancien, et les anciens viendront régulièrement le voir pour évaluer son manque de « spiritualité », soit il s’en ouvrira à un autre membre, qui risque de s’en ouvrir à un ancien…et là ce sera pire pour lui : « Tu n’a pas confiance en Jéhovah, ni en son organisation »….florilège de textes bibliques, et si la réponse à ses doutes ne se trouve pas dans la Bible, il aura droit à une petite pirouette avec un texte bateau type qui s’applique à tous les cas de figure…
Pour conclure, si une personne s’intéresse aux phénomènes sectaires, elle peut se diriger vers des auteurs comme Lewin entre autre qui a disséqué le mécanisme de "dynamique de groupe". Plus récemment Joule a mené de  nombreuses études sérieuses sur la manipulation mentale que vous retrouverez dans son livre :
 "Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens".
Enfin, plus la valeur morale d’un groupe est mis en avant, moins l’adepte s’accordera la liberté de la discuter.
Dans un mouvement sectaire, l'idéologie est très forte, et tourne essentiellement autour de valeurs morale


S.T

jeudi 11 août 2011

TEMOIGNAGE qui pourrait être celui de nombreux enfants TJ

Mon histoire n’a rien de particulier pour un ancien adepte, elle est commune et pas des plus douloureuses, il y a eu pire.
En revanche elle paraîtra comme tous les témoignages lus ou entendus d’anciens adeptes surréalistes pour le commun des mortels

J'ai 10 ans, lorsque ma mère, pour la première fois commence à discuter avec des TJ lors de leur traditionnel porte à porte. S'ensuit très vite une étude de la Bible, puis, de discussions en discussions, elle accepte d‘ entamer une étude biblique, sans aucun engagement ( « étudier la Bible avec eux sans engagement » est leur argument marketing,  argument qui leur est appris durant leurs réunions préparatoires à la prédication).
En parallèle, je suis le catéchisme  de mon quartier, à l'époque c'était à la mode... J'étais avec mes copines de classe, et l'on faisait plaisir à Papy et Mamie.

J'ai donc très vite été dans le jus. De plus  la « soeur » qui suivait ma mère venait le mercredi après-midi, et  profitait de ma présence pour me poser des questions sur mes croyances, ce que je pensais de Dieu, du sport que je faisais, des fêtes religieuses, si c‘était bien, pas bien…etc…

Assez rapidement,  elle m'a conseillé avec l’accord de ma mère de quitter le catéchisme, en expliquant que c'était la même chose, mais que là...! c'était la Vérité!, qu’au catéchisme ce n'était que des mensonges.
Il me suffit juste d’être présente 1 heure par semaine à la maison pour étudier la Bible avec elle et ma mère.
Discussions au sommet avec le prêtre de l’église de quartier, qui ne sait trop quoi répondre aux arguments TJ avancés alors…Je suis  le mouvement, de plus elles discutaient avec moi, comme si j'étais une adulte. Je lisais des textes, l'on me demandait d'en préparer, je n'étais pas mécontente. A cet âge là, un enfant ne peux faire la différence entre sa croyance et celle de ses parents, les idées des parents ne sont pour eux que vérités!

Je faisais énormément de sport, ce qui me prenait toutes mes soirées, et comme elle voulait que ma mère et moi venions à une réunion, les entraînements  sportifs  la participation de ma mère aux réunions, et les compétitions sont interdites, car représentent la vanité de l'homme.
J'étais prise entre deux feux, jusqu'à ce que physiquement je ne puisse plus faire de sport, car les entraînements étaient trop intensifs. Eureka pour eux, j'ai arrêté le sport...et le catéchisme.

Très rapidement, l'on persuada ma mère que Noël, anniversaires, et toutes les fêtes nationales ou païennes, étaient mauvaises, car dans la Bible....soit elles n’existent pas, soit elles sont associées à des meurtres, ou des péchés. L’environnement mortifère commence.
Ils arrivèrent aussi à la persuader que la fréquentation d’autres d’enfants non-TJ était malsaine, car ces enfants  avaient de mauvaises pensées et de mauvaises  actions... du coup les personnes de Marseille qui se demandent encore pourquoi il n'y a pas eu de  francs « Au Revoir » pourront comprendre mon départ soudain.

Interdiction ( déguisée en « conseil fortement recommandé » , là est leur force) de participer à l'élection des délégués de classe, d'aller à un anniversaire, de chanter la marseillaise, de lire des livres où il est histoire de meurtre, fornication, péchés, d‘aller au cinéma (une fois, pas deux, j‘ai eu les anciens la deuxième fois à la maison)...Ces interdictions ont pour but de casser la structure sociale qu'il y a autour de l’individu (entre autres raisons).
Non seulement, l'on ne pouvait vivre comme tous les enfants de notre âge, mais en plus il nous fallait l'expliquer aux copains de classe et professeurs.
Nous avions une mission lors de chaque rentrée de classe : aller voir le professeur principal et celui de musique pour expliquer « sa position » (terme TJ). C'est à dire lui signifier que l'on était TJ, et que de ce fait nous ne pouvions chanter la marseillaise et autres chants, ni participer au vote des délégués de classe.
J’ai eu de la chance,  j’ai commencé cette tâche à 12 ans, mais les enfants naissant dans une famille TJ apprennent à le faire dès qu’ils savent expliquer simplement pourquoi.

Quelques mois après, nous déménageons dans ma ville actuelle. Les TJ sont très structurés. Dès qu'une famille TJ arrive dans une ville, elle est prise en charge dans les quinze jours qui suivent vers la congrégation de la ville.
La congrégation  recrée très vite un nouveau réseau social, et vu que l'on ne peut fréquenter d'enfants non TJ, l’individu se sent choyé, accepté…
Ce sont, la plupart du temps des arguments avancés par les défenseurs farouches de cette organisation…  « Regardez comme ils s’entourent, ils sont chaleureux, ils s’entraident ». Ils n'y a pas de dangers...
C'est en écrivant mon histoire que je me rends compte combien l'endoctrinement de ma mère fut rapide. Pour ceux qui ne comprennent pas pourquoi les parents enrôlent leurs enfants, c'est que pour eux, c'est la Vérité, et ils sont donc responsables aux yeux de Dieu, de l'éducation de ces derniers. Ils ont « une dette de sang » au yeux de Dieu.
Difficile ensuite d’en vouloir à des parents qui pensaient bien faire.
Cette dette de sang est omniprésente : "si je ne parle pas de la Vérité à mes voisins j’ai une dette de sang vis-à-vis de Dieu et d’eux-même, si je n’en parle pas à mes copines, à ma famille, si je parle avec une personne dans un métro de sujets comme la guerre, ou d’un éventuel deuil qui l’a affecté, j’ai une dette de sang vis à vis de Dieu"…bref, le point fort, c'est la culpabilité.

Le plus dur à l'époque était de devoir me justifier auprès d’ autres enfants de mon âge à propos de mon habillement, de mon comportement, de mon refus d’assister à des fêtes.…
C’'est trop jeune pour expliquer ce que l’on vit , ce que l’on peut faire ou pas, pourquoi,  face à un monde d’adultes et à ses copains.L'enfant TJ  fait tout pour les fuir et être fuit.
Difficile de dire dès que l’on est en âge de parler que l’on ne peut pas voter des déléguer de classe parce que Dieu demande de ne pas participer à la vie politique d’une institution, qui est affaire des hommes et non affaire de Dieu.
Difficile de dire « NON » à un anniversaire parce que Dieu demande de ne pas fêter les anniversaires sous prétexte qu’un tel dans la Bible a perdu la vie un jour d’anniversaire…C’est la vie quotidienne d’un jeune TJ, car c’est tous les jours que les copains demandent pourquoi ci, ou pourquoi ça…
Le droit à la  différence est un droit d’adolescent, pas un devoir…nous, nous aurions voulus être comme tout le monde, mais nous avions le devoir d'être différent...

Enfant, j'étais très dynamique, pleine de projets dans la tête, envie de faire des études déjà, mais là, je sentais  que mes propres rêves s'envolaient.
Peu à peu, le rituel "réunions, préparation de réunions, études, préparations d'études bibliques pris tout mon temps libre, mais lorsque l'on est TJ, l'on est un peu maso, car  plus l'on est occupé et plus l'on en redemande, ce qui coupe de la réalité, et permet à l’esprit de ne pas avoir le temps de se poser de questions, soit  de les faire taire.

Mon père a toujours eu un pied dedans, et un dehors.
Et c'était l'objet de la plupart des disputes de mes parents, puisque ma mère changeait de raisonnement et lui ne marchait pas au même rythme.
Lui aussi suivait un peu le mouvement, mais gardait son sens critique, d'ailleurs il  était mal vu au sein de la congrégation puisqu'il osait "critiquer la Vérité".
A 15 ans, je deviens "proclamatrice", et sachant que mes rêves d'études ne se réaliseraient pas, ce fut pire pour moi.
J'ai fonçé tête baissée, me convainquant sans cesse du bien fondé de ce sacrifice.
A côté des heures passées au lycée, je faisais les heures d'un pionnier ( c'est à dire l'équivalent de 90h de prédication), leur tactique: encourager, citer en exemple la personne qui se démène pour l‘Organisation, du coup j'oubliais le pourquoi de la chose, la raison réelle de ce que je faisais. La foi oui…mais au fond c’est une foi déguisée…Nous avançons, nous voyions  que certaines choses ne vont pas, qu’il y a des contradictions parfois, mais nous lescoublions vite, sinon le réveil est trop douloureux, trop compliqué, déchire tout….au fond nous le savons.

17 ans : baptème, c'est là que les choses se gâtent. je me sens de plus en plus à l’étroit dans mes croyance, mais je reste néanmoins dans cet univers rassurant, avec des repères immuables.
J'ai la chance d'adorer les matières littéraires, et un jour en cours de français, (merci Mr M.....R) nous étudions la célèbre phrase "TOUTE VERITE EST RELATIVE", cette phrase me suivra jusqu'à aujourd'hui et fut le déclic  à un long questionnement intérieur que je n’osais aboutir.

Je continue à me persuader que je suis dans le « vrai, le juste » , ce qui me mène à  une lutte intérieure pour saisir ce qui est de l'ordre de  ma pensée de ce qui ne l’est pas.
Mais dans le verbe "Persuader", il y a aussi et surtout « se convaincre de » , ce n'est donc pas quelque chose de naturel. S'ensuit la terminale, avec les cours de philosophie, cours que j'attendais avec impatience, car c'était mon espace de  liberté non soumis aux regards de la congrégation, liberté de dire qu'il n'y a pas de vérité, de l’écrire sans être lu par les anciens.
Je pouvais m’autoriser à écouter et à étudier, car là c‘était le lycée, le bac. Il y avait une justification…Grâce à ma passion pour la philo, je dévorais tous les bouquins qui passaient, je sentais poindre une liberté souterraine, qui commençait à me bouffer de l'intérieur....
Là je commence à rêver, pouvoir suivre une filière philo ou psycho, mais non, impossible, Je ne peux en  parler à personne, surtout pas à mes parents, je choisis donc une filière commerce, plus courte.
Puis un jour il y eut des événements dans ma congrégation qui m'ouvrirent  les yeux.
J’ai commencé à poser des questions sur la Bible, je demandais des preuves de telle ou telle chose, et le mot "rebelle " est tombé, juste parce que pour une seule fois,  je demandais la preuve dans la Bible de quelque chose qui ne me paraissait pas normal.
Pour la première fois je m‘autorisais à m‘opposer, à dire que je n‘étais pas satisfaite de la réponse apportée à ma question.
.
Maintenant c'est un mot qui me plaît à entendre,…Rebelle! Rebelle…r.e.b.e.l.l.e…Si rebelle signifie penser, poser des questions, remettre en cause, super, je suis rebelle. ( j’ai quand même mis ensuite cinq bonnes années avant d’aimer ce mot).

Dans le même laps de temps je tombe sur le livre "Les enfants des sectes" d'El Mountacir, que j'ai lu plusieurs fois en boucle comme pour me persuader que ce que je lisais était faux. Je ne devais pas bien comprendre, en fait je savais que j’ouvrais les yeux au fil des pages, et qu’au fond de moi, je savais déjà tout cela.

Tous les dénominateurs communs aux sectes étaient bien présents :
- coupure  d’avec le tissu social,
- coupure d'avec la famille,
- maîtrise du groupe avec des encouragements et des sanctions (très redoutées, car la secte fait tout pour que ses membres se sentent bien entre eux, mais se surveillent en même temps, du coup une personne sanctionnée est mise à part, délaissée volontairement.
Vu qu'elle ne connaît que le groupe, elle n'ira pas chercher de relations amicales à l'extérieur.  Le poids du   regard des pairs est très lourd.)
- langage propre à la secte, non compris de l'extérieur (néolangage),
- documents internes qui sont différents selon les niveaux hiérarchiques,
- lectures de documents externes mal vues, voir interdites car chez eux, tout est apostasie.( en fait tout ce qui permet une réflexion personnelle

Je rencontre le père de mon fils, à 20 ans…et je  tombe enceinte, sans être mariée, et avec un homme non TJ.. Lorsqu’il y a pêché, nous passons devant un comité d’anciens, qui jugent si la personne peut rester ou pas.
Les anciens  me demandent de quitter le père de mon fils comme rachat de ce péché. Je me dis en une fraction de seconde, que c'est du délire, comment peut on enlever un père à son enfant, comme monnaie d’échange.
"Si tu veux montrer à Dieu que tu  regrettes d’avoir pêché, tu dois quitter l’objet de ton pêché…"
Je refuse, et l’exclusion tombe, ce qui est un bannissement pur et simple à l’instar du moyen âge, il n'y a plus de contact avec la personne bannit.
L’exclusion signifie la mort spirituelle et sociale. Interdiction de dire bonjour à un exclu.
Pour les parents d’enfants exclus, c’est l’horreur, car ils sont sommés de les fréquenter le moins possible.
Je me suis vue devoir aller me cacher dans une autre pièce lorsque des TJ venaient voir ma mère.

Longue descente aux enfers, une grosse dépression qui avait commencé presque 2 ans plus tôt, car je ne savais pas par où commencer pour partir.
Il faut savoir que le lavage de cerveau existe, ça s'appelle une manipulation mentale.
Ca n’existe pas que dans les films ou dans l’Histoire. Toute secte fonctionne sur ce registre.
Sur un enfant c'est extrêment facile, puisqu'il a naturellement confiance en ses parents. Je fais une TS 5 mois après ma sortie, mais je m'en sors.(j'y reviendrai là aussi)
Lorsque l'on en sort, on ne sait plus quoi faire, quoi dire, comment le dire, comment penser, à qui parler de son histoire, car personne ne peut comprendre comment cela se passe à l‘intérieur. .
Une coquille vide, une personnalité à retrouver, car elle est cassée, brisée en milles morceaux, une enfance volée, mais qui peut comprendre les dégâts d’une manipulation mentale que l’on ne peut voir que de l’intérieur?
Dehors tout est lisse, beau, les TJ? Des gens tranquilles, sans histoires….oui et cela est vrai. C’est simplement que le système dans lequel ils ont appris à vivre est un moule, et qu’une fois dedans, il n’y a plus aucune liberté d’agir, et de penser. Un ensemble de fils entrelacés...si l'on tire un fil, les noeuds se resserrent.

Lorsque  l’on  sort d’une secte, les choses sont si difficiles et embrouillées que l’histoire est simplement indicible. On ne parvient pas à exprimer l’intensité de ce que l’on a vécu et vit à ce moment là.
Je ne peux détailler point par point tous le processus, ce serez très long.

Aujourd'hui je suis à nouveau à" l'école", il n'est jamais trop tard, au contraire, aujourd'hui je sais pourquoi je le fais.

Chaque jour qui passe est une liberté que je savoure, je me rends compte à quel point l'homme possède déjà tout en lui.
Il va chercher ailleurs ce qu'il sait déjà.
Nul besoin de quelqu'un pour dire ce qui est bon ou mauvais, et c’est cela qu’un ancien adepte doit saisir.
Beaucoup sont tombés entre temps dans l’alcool, la drogue, la dépression ont fait des tentatives de suicide, mais pas mal s’en sont sortis.
Il faut savoir que lorsque l’on souhaite en sortir, l’effet ressenti est celui du manque, de l’ordre de l’addiction. C’est la peur qui génère cette addiction, peur de tout, de l’extérieur,  « du monde », peur d’être détruit par Dieu, peur de perdre sa famille ( ce qui arrive dans la majorité des cas….).

Et pour ceux qui lisent ce récit, et qui sont en train de sortir, il est important de comprendre  ce que signifient vraiment les expressions « libre arbitre, conscience…. »
Ce sont des termes que vous entendez sans cesse, à tel point que vous n’en connaissez plus le sens réel.
Un libre arbitre est Libre, point, sans jugement derrière.
Une conscience sert aussi à quelque chose…
Il est important de comprendre  le sens des mots « confiance en soi » « estime de soi ». Lors de la sortie c’est justement parce qu’il n’y en plus que les choses sont si difficiles, non pas parce que vous vous éloignez de Dieu.

Ah j'oubliais, j'ai réussi à faire sortir ma mère , avec beaucoup de difficultés, elle aussi a mis 2 ans à vraiment déconnecter.
Surtout, ne jamais contrer un TJ, ne pas le prendre de front, juste laisser des questions pertinentes en stand by ( comme eux le font de porte en porte )...sans qu'il y ait  de jugement de votre part… c'est le plus important.

J’espère juste que mon histoire pourra permettre à d’autres de se reconnaître à un moment ou à un autre, même si chaque histoire est différente. N’hésitez pas à chercher des informations sur le net, il y a des tas de sites très bien fait qui sont très bien renseignés sur le sujet. C’est anonyme, personne ne verra qu’il y a un doute.


Nous ne sommes que ce que nous voyions à travers nos propres filtres, et nous ne  percevons que notre propre vérité.

mardi 9 août 2011

TEMOIGNAGE D'UN ANCIEN TJ, SON ENFANCE

Discussions croisées entre Nicolas Jacquette et Jérôme Liniger 
Nicolas Jacquette : Auteur de « Nicolas, 25 ans, rescapé des Témoins de Jéhovah ». Editions Balland 2009 

Extraits du colloque  du 2 octobre 2010 organisé par le GEMPPI àL’Espace Ethique Méditerranéen – Hôpital de La Timone – Marseille 

Nicolas Jacquette (NJ) : Je suis né dans une famille Témoins de Jéhovah (en abrégé dans le texte : TJ), j’y ai passé les 22 premières années de ma vie, j’en suis sorti, aidé par Jérôme Liniger et de Charline Delporte de l’ADFI Lille. J’ai aussi été entendu par un parlementaire et contacté par un éditeur qui m’a demandé d’écrire un livre de témoignage. Juste avant la publication, l’éditeur a subi des pressions des TJ qui l’ont menacé de lui faire un procès s’il persistait dans son projet.  Fort heureusement,  mon éditeur a résisté à ces pressions et le livre a été publié ce qui nous a donné droit à des procès en diffamation pour mon témoignage dans le cadre de la commission parlementaire sur les sectes et les mineurs (rapport publié en 2007) et pour mon livre autobiographique. Les TJ ont aussi porté plainte contre la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) devant le Conseil d’Etat parce qu’elle avait fait la présentation de mon livre sur son site internet, comme son devoir d’information l’y oblige, avec comme grief « promotion faite par l’Etat d’un ouvrage à caractère diffamatoire ». Vu que mon livre était au centre de la plainte, on m’a demandé de témoigner et suite à cela les TJ ont perdu et ont été obligés de reconnaître la véracité, l’honorabilité et la respectabilité de mon témoignage.  Ainsi donc, devant la plus haute juridiction de l’Etat, les TJ ont perdu leur procès. Ensuite, deux députés m’ont demandé  aussi de témoigner en raison de procès en diffamation que les TJ leur avaient fait. Le dernier en date est Jacques Myard qui avait dit que « les TJ et la scientologie pratiquaient l’enfermement des enfants ». La dernière trouvaille des TJ dans ce procès, quand ils ont su que j’allais témoigner, c’est de venir faire témoigner ma sœur Sonia. Mon père était venu les soutenir aussi. C’est la dernière fois que j’ai eu l’occasion de les voir.

Jérôme Liniger (JL) : Pour ma part, je suis issu d’une famille athée et laïque et j’ai rencontré Nicolas dans le cadre de mes activités de pédagogue des Beaux-arts et c’est avec l’aide de l’ADFI Lille que nous avons entrepris la déconstruction de la secte qui habitait ou imbibait Nicolas. Je me suis donc mis à la lecture de la bible et des écrits des Témoins de Jéhovah pour me former à dialoguer avec Nicolas, sans jamais aborder la dérive sectaire ou son enfermement, ni son vocabulaire particulier inculqué par le mouvement. En fait, je parlais des autres mouvements pour parler de lui et de la secte qui était en lui. Petit à petit, nous avons démonté la mécanique sectaire et fait ressortir que ce n’est que du folklore pour démystifier les rituels.

Concernant le mouvement des TJ, ses doctrines et la condition des enfants.
NJ : Les TJ constituent le plus important mouvement à dérives sectaires en France. Ils comptent environ 112000 membres actifs (sans compter les sympathisants), plus 40 000 enfants, chiffre important, puisqu’il représente à lui seul la moitié du nombre des enfants concernés par la problématique sectaire en France, soit 80 000. Ce mouvement est donc à prendre au sérieux. Ce mouvement naquit aux Etats Unis dans les années 1900. Le fondateur, Charles Taze Russel, était un adepte adventiste qui après s’être brouillé avec Barbour, le dirigeant de ce mouvement à l’époque, au sujet d’une prophétie qui ne s’était pas réalisée, a créé son propre mouvement « Les Etudiants de la Bible », fortement inspiré de l’adventisme dans sa doctrine. Russel conserve une partie du panthéon de croyances de l’adventisme dans son mouvement, comme les dates prophétiques (1874, 1914), et fonde une société d’édition dont les VRP étaient ses adeptes. A la mort de Russel, un certain Rutherford, qui travaillait à ses côtés, reprend l’affaire en main par un véritable putsch et le rebaptise « Témoins de Jéhovah ». Lui aussi, fidèle à la lignée du mouvement,  s’est distingué par des prophéties bibliques inaccomplies (1925). D’autres dirigeants lui ont succédé à la tête du mouvement, persévérant dans la pratique de fausses prophéties (1975, par exemple), pour en arriver à ce que de nos jour le mouvement soit dirigé par une sorte de comité de direction d’une douzaine de membres, tout à fait comme une entreprise commerciale. Les choses fonctionnent maintenant automatiquement, comme une machine sans tête.

C’est un mouvement millénariste, c'est à dire, dans l’attente d’une fin du monde proche, qu’ils ont été amenés à annoncer près de 12 fois. Chacun peut constater que ces prophéties ne se sont pas réalisées. Ils évitent maintenant de donner des dates et préfèrent dire que la fin est imminente en redonnant un caractère d’urgence sur des dates charnières. Sachez que la prochaine est pour 2012. Date phare pour beaucoup de mouvement sectaires et new-age apocalyptiques actuels puisqu’elle coïncide avec  la fin des calendriers chinois et maya.  Cette fin du monde proche amène les TJ à ne pas investir dans la vie de ce monde, mais plutôt dans le mouvement qui est le seul à pouvoir sauver des vies selon lui, par le biais de leurs activités missionnaires. Tous les adeptes sont ainsi poussés à faire du prosélytisme intensif en raison des échéances imminentes, y compris les enfants TJ dans le cadre scolaire.

JL : Il est intéressant de voir que chez les TJ le dirigeant mondial, la tête humaine n’existe plus guère et que la seule tête est Jéhovah lui-même qui culmine au sommet de leur pyramide hiérarchique.
Le haut de la pyramide est donc en communion intime avec Jéhovah. Mais il y a une distance entre chaque niveau hiérarchique. Par exemple, l’adepte de base est à grande distance de l’ « Ancien » (dirigeant d’une congrégation locale). L’adepte de base n’a pas accès aux informations transmises par le siège du mouvement aux anciens. Ces mêmes anciens ont eux-mêmes une sorte de fascination pour la strate hiérarchique qui les contrôle, parce qu’elle est d’une plus grande proximité avec Jéhovah. Les responsables de circonscription vont eux aussi fantasmer sur la strate au dessus et ainsi de suite jusqu’au sommet de la pyramide, le comité directeur, appelé Collège Central, qui est en relation directe avec Jéhovah.
A savoir que le quartier général mondial des TJ va déménager de Brooklyn (New York) pour Warwick et Ramapo, deux communes à l’extérieure de New York leur accordant une fiscalité avantageuse, et permettant de faire une grosse plus-value immobilière sur la vente des locaux de Brooklyn.
Seconde chose importante à savoir concernant cette structure pyramidale, c’est qu’il y aussi une pyramide inverse, en dessous  et qui va vers le très bas, c'est-à-dire Satan.
Hors des TJ, pas de salut. Nous faisons tous partie de Babylone la grande, puisque tous les autres, y compris les croyants des autres croyances, chrétiennes incluses, se détournent de la vérité. En conclusion, ce folklore rejoint  tous les autres folklores superstitieux, avec leur habillage typique, leur vocabulaire particulier et toutes ses dérives de sens. Par exemple, c’est en tentant la lecture de la Dianétique, bible des scientologues, que je me suis aperçu que la valeur de mes mots au quotidien changeait. Il en va de même chez les TJ. Il y a un jargon interne permettant d’opérer ce genre de glissement, cette même mécanique de communication. La cerise sur le gâteau, c’est La Tour de Garde, journal publié par les TJ. On passe du colibri à Dieu très facilement. « La beauté du chant du colibri ne nous amène t’elle pas à nous interroger sur la perfection de la création et l’existence de Dieu » ; Il y a même des versets bibliques justifiant l’utilisation du portable. Ainsi nourri et formé, l’esprit de l’adepte est complètement orienté vers une unique chose, toute la journée et à chaque instant : sa mission divine.
Si vous trouvez La Tour de Garde dans un train ou dans une salle d’attente, ce n’est pas un hasard. Lorsqu’on sait qu’elle est publiée  à plus de 39 millions d’exemplaires deux fois par mois, il est difficile de la rater. Le Réveillez-vous, autre publication des TJ, est quant à lui édité à plus de 38 millions d’exemplaires deux fois par mois. Donc, là aussi, pas de hasard, ni de providence divine,  si vous tombez dessus, c’est la loi des probabilités qui en est la cause. Sans compter les autres tracts et livres publiés, les TJ produisent chaque année plus de 1,7 milliards de journaux. Il s’agit bien d’une société de communication dotée d’une manne financière immense, puisque chaque adepte donnera une offrande au moins égale à la valeur des journaux qu’il se procurera pour les distribuer dans son travail missionnaire. Et quel témoin de Jéhovah volerait ou affaiblirait Dieu et son organisation en ne versant pas ce qu’il faut ? Si la législation fiscale est avantageuse, selon le pays, les journaux pourront être vendus.

Les enfants témoins de Jéhovah
NJ : Les enfants n’ont aucune capacité de décision propre et ils pourront être construit ou façonnés à la guise de leurs responsables légaux qui pourront les priver d’accès à d’autres sources d’information qui pourraient équilibrer ou relativiser l’enseignement qu’on leur donne chez les TJ.
Nous sommes en présence d’un mouvement qui utilise les parents pour façonner les enfants en adeptes dès le berceau. C’est dans ce processus là que j’ai été intégré étant enfant. C’était un conditionnement extrêmement dense.  On a calculé que pour un enfant TJ à l’école primaire, le programme spirituel par semaine, en plus des devoirs scolaires, avoisine les 23 heures. Autant dire que tout ce qui est divertissement et activités extra scolaires n’est guère possible. Il y a une imprégnation quotidienne du message sectaire à l’enfant, chaque jour, toute la semaine, tout le temps. Les journées sont ponctuées de prières, ce qu’ils appellent l’ « étude du texte du jour » qui se fait sur la base d’un petit livret où l’on étudie un verset biblique pour lequel on doit faire une application dans la journée. Il y a aussi 3 réunions par semaine qui se déroulent un jour sur deux le soir et le weekend end et doivent être préparées la veille. A cela s’ajoute l’activité de prosélytisme qu’on doit effectuer au moins deux heures par semaine. Tout cela fait qu’il n’y a pas une seule journée où l’on échappe au discours sectaire. On se retrouve tous les soirs de la semaine à devoir lire des écrits TJ. Plus encore, en tant que TJ, nous avons l’obligation de lire La Tour de Garde et Réveillez-vous pour être en mesure de les placer avec plus d’efficacité lors du prosélytisme hebdomadaire. Donc, c’est dans ce quotidien saturé de langage sectaire que l’enfant nait et grandit dans des perspectives totalement dé-socialisantes.  Pourquoi cela ? Parce que nous sommes conditionnés à considérer le monde de manière complètement duelle. D’un côté, il y a les TJ, les élus  sous la bénédiction divine, qui sont gentils et qui auront droit à la vie éternelle dans un paradis et de l’autre côté ceux qui ne croient pas ou qui ont d’autres croyances et qui sont voués à la mort éternelle, adultes comme enfants. Tous ceux qui ne sont pas TJ sont susceptibles d’être les instruments du diable, incitant les bons croyants, comprenez les TJ, à se détourner de la Vérité. De ce fait, il ne faut pas les fréquenter et ceci concerne aussi les petits camarades d’école.

Enfant prosélyte

L’enfant de  TJ qui jusqu’à  4 ou 5 ans a été baigné dans ce genre de croyances, arrive à l’école avec un sentiment de peur extraordinaire face aux gens qu’il va côtoyer toute la journée. On l’a bien prévenu avant : attention l’école est dangereuse, tu vas y rencontrer des gens qui ne sont pas TJ et qui vont essayer de saper ta foi. Tu vas apprendre des choses qui ne correspondent pas à ce qu’on t’a appris dans les publications TJ.
On demande 2 choses à l’enfant : d’apprendre ces choses par cœur sans y croire et d’être un très bon élève, un élève modèle, afin de donner une très bonne image du mouvement. Effectivement, dans le milieu scolaire, on ne s’inquiète que d’une chose : les enfants en échec, pas de ceux qui réussissent.
Donc, si un enfant de TJ n’est pas en échec scolaire, il va donner une bonne image du mouvement, et lorsqu’on s’inquiétera de sa marginalisation par exemple, les parents pourront dire :
« Est-ce qu’il n’a pas de bons résultats ? Alors où est le problème ? »
Tous ces efforts que doit fournir l’enfant pour donner une bonne image du mouvement est un travail de séduction élaboré dans une perspective de prosélytisme afin de convaincre. Même au sein de l’école, les parents TJ sont entrainés par des démonstrations et des écrits à mener des rendez-vous avec les professeurs pour les convaincre que les TJ ne sont pas un problème « et si vous souhaitez plus de renseignements nous pouvons vous rendre visite dans le cadre privé ». Moi-même, en tant qu’enfant, je devais saisir la moindre opportunité pour parler de mes croyances. Dès l’âge de 5 ans, je connaissais des détails de la loi sur la laïcité et les moyens de la contourner. On m’a dit : « Tu n’as pas le droit de parler de tes croyances à l’école, mais tu as le droit de répondre à des questions si tu n’es pas à l’origine de la question ».  Et tout le comportement est fait pour susciter des questions. On ne s’habille pas à la mode, on ne va pas aux anniversaires, on ne fête pas Noël, on ne chante pas la Marseillaise, on n’a pas le droit d’avoir des activités extra scolaires, on n’a pas le droit de faire du sport de compétition, on ne vote pas aux élections de délégués de classe,... Certains camarades pouvaient me voir en costume 3 pièces faire du porte à porte le week-end avec mes parents. Il n’en faut pas plus pour provoquer des questions, et lorsqu’elles arrivaient je répondais : « C’est parce que je suis Témoins de Jéhovah. Si tu veux plus d’informations, je peux te donner une publication tout à l’heure à la sortie de l’école. Mais surtout n’en parle pas à tes parents, ne leur montre pas la revue, ils ne comprendraient pas ».
Et là, j’instillais déjà une méfiance envers le milieu familial de mon camarade curieux. C’était déjà une première pierre à l’édifice de la manipulation. Ceci vise 2 objectifs. Même s’ils ne sont pas sensibles au message de Jéhovah à ce moment là, plus tard, dans un moment de difficulté, une situation de faiblesse, des soucis, cette amorce permettra  à ces camarades d’être mieux disposés à accueillir un témoin de Jéhovah s’il frappe à leur porte à ce moment là. Ceci pourra réveiller des souvenirs déjà inculqués par les publications TJ qui lui ont été données dans son enfance.

Enfant victime

L’enfant de TJ n’est pas seulement un outil de propagande dans le milieu scolaire. Il est aussi une victime qui subit des privations. Il est soumis à une cohorte d’interdits et d’ordres.

Une liste non exhaustive d’interdits imposés à l’enfant de TJ :

Toutes les fêtes sont interdites, (Noël, jour de l’an, anniversaires, fêtes des mères, chandeleur,…) parce qu’elles sont considérées comme païennes.
Etre à la mode, avoir des amis non TJ, aller à une boum, faire du sport en club,  pratiquer des arts martiaux, sont interdits.
Participer à une association caritative est prohibé aussi car tous le temps libre et les moyens d’un TJ doivent être investis dans le prosélytisme.
Interdiction d’être délégué de classe, de chanter la Marseillaise, de lire de la philo, de regarder les mangas, d’avoir des ambitions dans le monde, d’avoir un petit copain ou une petite copine, et d’expérimenter sa sexualité, même si l’on est adolescent, d’accepter une transfusion sanguine, de fréquenter et même de saluer un TJ exclus du mouvement, même s’il est de ma propre famille (ceci je l’ai vécu ainsi que ma grand-mère)
Interdiction aussi d’entrer dans une église, de s’intéresser à d’autres croyances, de posséder un objet lié à un autre culte, même si c’est un souvenir de famille, de lire un horoscope, d’aller voir une voyante ou un guérisseur, plus tard interdit de voter, de participer à la vie civile et communautaire, de manger des aliments faits avec du sang, et bien sûr, interdit de rater une réunion des TJ.

Obligations

A côté de cela, il y a des obligations, dont la principale est de faire du prosélytisme y compris à l’école.
Tout ce prosélytisme est comptabilisé par chaque membre du mouvement sur de petites fiches remises chaque mois dans une boite prévue à cet effet. On comptabilise le nombre d’heures prêchées, le nombre de périodiques placés, le nombre de nouvelles visites faites, le nombre d’études bibliques. Tout cela est publié dans les rapports d’activité mondiaux qui permettent aux TJ de faire une démonstration de puissance, puisqu’ils se vantent d’effectuer plus d’1,5  milliards heures de prosélytisme chaque année.
Autres obligations : aller voir les anciens en cas de n’importe quel problème ou doute. Les anciens sont les dirigeants locaux des communautés TJ. Ce sont des gens ordinaires qui ont une fonction de direction sur une centaine d’adeptes. Fonction de « vie » ou de « mort » même, puisque si un adepte est exclu, il est considéré comme « mort » pour la communauté, il a donc perdu le droit à la vie éternelle. On dit aux adeptes d’aller voir les anciens en cas de problème, y compris dans des cas qui ont fait beaucoup de bruit récemment, dans des affaires de molestation ou de viol d’enfants. On s’est trouvé dans des situations abominables ou les anciens ont mené des procès internes au travers des « comités judiciaires » qui devaient déterminer la véracité des paroles d’enfants se plaignant de viols ou de molestations et des réponses faites par les accusés de ces crimes.  Les directives de la Société des TJ étaient que si ces adeptes accusés de viols ou de molestations niaient, il était préconisé de ne pas aller plus loin dans l’enquête et de ne pas avertir la police : « Jéhovah réglera toutes choses en son temps ». Et si l’accusé admettait les faits, la police n’était pas pour autant prévenue, on lui disait « Est-ce que tu te repens ? ». Ils amenaient alors le petit garçon ou la petite fille qui avait été violé et le coupable devait s’excuser devant l’enfant et l’enfant devait ensuite lui pardonner au nom de l’esprit chrétien et ensuite on renvoyait le violeur ou molesteur et l’enfant chez eux sans prendre aucune autre mesure vis-à-vis de la victime. Quand on sait que la majeure partie de ces affaires se passe dans le cadre familial, on renvoyait souvent l’enfant qui avait eu le courage de parler, à son bourreau. Ceci en a conduit au suicide. Heureusement, quelques affaires sont tout de même arrivées devant la justice.
Autre obligation importante, celle de mourir  plutôt que d’accepter une transfusion sanguine vitale, y compris pour les enfants. Les adultes portent une carte de refus de transfusions sanguines. Les enfants eux doivent être munis d’une attestation écrite des parents demandant à ce qu’ils ne reçoivent pas de transfusion. S’ils sont inconscients suite à un accident, la carte mentionne qu’ils refusent les transfusions sanguines et qu’il faut prévenir la personne de confiance inscrite sur la carte. Le plus souvent, c’est un ancien de la congrégation, lequel viendra  aussitôt au chevet de l’adepte hospitalisé pour s’assurer qu’on ne le transfuse pas. Il y a aussi un autre périodique qui fait l’apologie du refus sanguin pour les enfants, le numéro de Réveillez-Vous du 22 mai 1994. Toutes les photos d’enfants sur ce périodique sont des photos d’enfants de TJ morts pour avoir refusé une transfusion sanguine vitale et qui sont portés aux nues pour avoir offert un tel exemple de foi en Jéhovah. Le périodique relate leurs dernières heures dans le détail, les souffrances dans lesquelles ils sont morts dans les bras de leurs parents. Lorsque j’étais enfant, moi aussi, je rêvais de mourir pour montrer ma fidélité à Dieu en refusant une transfusion sanguine nécessaire. C’est dire l’état d’endoctrinement dans lequel j’étais.

JL : n’oublions pas que nous sommes dans le cas d’un enfant de 6 ans qui a plusieurs missions, qui veut et qui sera fier de ressembler aux adultes qui lui servent d’exemples. Chaque famille va étudier le périodique hebdomadaire pendant une semaine, tous les textes du jour, le matin, à midi et le soir en vue de se préparer à la discussion à la salle du royaume. Tout va être orienté autour de cela et l’enfant de 4, 5 ou 6 ans emmagasine cela dans son fantasme idéal. Nicolas  était aveuglé au point de souhaiter mourir en martyr de la Vérité, jusqu’au moment ou il a décroché de la secte.
A l’école, l’enfant a déjà la responsabilité de la vie de ses camarades, c’est à dire de la vie ou de » la mort éternelle de ses camarades.

NJ : on nous disait : « si vous ne dites rien, alors que la fin du monde est proche, vous êtes responsables de la mort de ceux qui vous sont proches, leur sang sera sur votre tête »
Donc, un enfant, quand il rentre à l’école, il se dit : «  je dois sauver mes camarades » et l’on en arrive à souvent des phénomènes totalement aberrants.  Pour donner un exemple, j’ai rencontré au Lycée des camarades avec qui je me suis lié d’amitié mais qui n’étaient pas TJ, ce qui est interdit.  J’étais dans un état d’antagonisme total avec ma conscience. Nous nous étions entendus sur un contrat moral : je ne chercherai pas à les convertir et eux n’essaieraient pas de m’en sortir. Mais le problème pour moi était que si la « grande tribulation » arrivait, ils allaient mourir, j’en étais convaincu. J’en étais arrivé à l’aberration suivante, de me dire qu’il valait mieux que je les tue afin qu’ils ressuscitent dans le paradis. J’étais en train de concevoir la mort de mes amis comme moyen de leur sauver la vie !  Un peu comme le refus du sang, symbole de vie dans la Bible au nom duquel on se laisse mourir pour assurer sa résurrection dans le paradis, donc sa vie éternelle. Quel paradoxe ! Il ressort de cette situation une évidence, c’est  qu’à l’instar de tous les mouvements sectaires, les TJ transforment les valeurs  habituelles de la société, voire les inversent, de façon à pouvoir inculquer à l’adepte que c’est le monde autour de lui qui fonctionne mal. On m’avait convaincu dès mon enfance que j’avais la vérité sur le passé, le présent et le futur. Et cela nous donne dès le plus jeune âge, un sentiment de supériorité sur les autres. J’ai débarqué à l’école  persuadé d’avoir la vérité  et que tout ce que pourraient m’apprendre mes professeurs seraient des mensonges et plus fort encore je savais déjà lire couramment, bien-sûr au moyen des périodiques du mouvement. C’est à dire qu’en même temps que les mots, chaises, table, voiture, on apprend les mots Adam, Jéhovah, théocratie, temple, etc. dans une brochure d’apprentissage de la lecture éditée par le mouvement.  Ensuite les thèmes d’apprentissage de la lecture sont du type : « le chrétien fidèle va prêcher la bonne nouvelle aux autres ». Dès 4 ans, j’apprenais cela. Ma méthode de lecture, n’était pas le Luc et Béatrice du CP, mais déjà une accumulation de phrases propres au mouvement. J’étais complètement enfermé dans un système, où j’étais imprégné d’un langage  interne, incapable que j’étais de le dissocier de la réalité.

JL :  Je peux témoigner que si l’élève TJ a fait ses preuves de bon élève, dans la classe où j’enseigne, à la fin d’année seuls les parents TJ viennent me remercier pour mon enseignement, et parviennent toujours à placer qu’ils sont TJ. Tout cela est à envisager dans la perspective qu’un jour les parents peuvent être amenés à rencontrer le professeur en question lors d’une tournée de porte à porte par exemple et ainsi l’enseignant aura été préparé.
Les TJ pensent que le professeur, comme tous les hommes de science d’ailleurs, fait parti du « Monde » dirigé par Satan : nous sommes là en présence d’une perversion type.

NJ : Pour comprendre ce cheminement, il faut considérer à quel point la formation est efficace chez les TJ.  Ils ont créé une école interne « L’école du ministère théocratique ». On y apprend aux adeptes, y compris les enfants, à mener des discussions et des discours étayés sur des versets bibliques. Une formation aux techniques d’expression orale et de conviction en vue du prosélytisme, qui ferait pâlir d’envie les écoles de formation des commerciaux.
Dès 8 ans, je tenais tout seul des discours sur l’estrade de la congrégation tous les mardis soir devant une centaine de personnes. J’avais 5 minutes pour traiter mon sujet et j’avais des points de travail théocratique à exercer. Cela consistait par exemple utiliser des gestes particulier pour souligner mon discours, soigner la communication du regard vis-à-vis de l’auditoire, l’expression du visage, utiliser des comparaisons adaptées, des points qui me permettaient d’arriver à convaincre les autres.  Toute cette formation à la rhétorique, à l’art oratoire était destinée à être utilisée ensuite dans le cadre de la prédication et aussi en milieu scolaire. Et c’est cela qui faisait que j’étais un élève  parfait, dès qu’il s’agissait d’expression orale, j’étais à mon aise. Lorsqu’ensuite je suis passé sur plusieurs plateaux de télévision ou lorsqu’il m’a fallu témoigner devant la commission d’enquête parlementaire sur les sectes et les enfants, ironie du sort, cette aisance acquise suite à une formation intensive de 22 années se retournait contre mes formateurs.

L’incertitude et les angoisses du TJ

Les TJ ont tellement  d’interdictions et de commandements qu’ils ont peur dans leur quotidien que même des choses qui ne sont pas mentionnées  dans leurs obligations ne les amène à perdre la vie éternelle.  Dans la croyance des TJ, les gens du monde vont mourir pendant la « grande tribulation », c’est certain, mais eux n’ont pas la garantie de survivre. Par exemple, si la veille de la « grande tribulation », ils ont commis une seule faute, tout le bénéfice de ce qu’ils ont fait pendant toute leur vie est perdu. Une pression constante se met en place dans l’esprit de l’adepte qui craint constamment de perdre le bénéfice de la vie éternelle.
L’enfant est lui aussi entretenu dans cette sorte de croyance et il s’applique donc automatiquement une auto censure permanente ; S’il se trouve face à un livre, un dessin animé ou une quelconque activité à faire, la première question qu’il se pose  est : « Est-ce que ça tombe sous le coup d’un interdit ? » , ce qui l’amène à un élargissement de l’interdit pour se prémunir de toute faute potentielle, tant et si bien que le TJ s’interdira au-delà de ce qui est nommément prescrit.

Pour illustrer cela dans ma vie d’enfant :
A l’école maternelle, mon institutrice était un peu malade de me voir mis à l’écart lors des fêtes des mères, des Noëls, etc. Je demandais moi-même « faites l’anniversaire de votre côté, moi je fais un dessin pendant ce temps au fond de la classe ». Ceci ne m’empêchait pas  de pleurer surtout à la veille de Noël car il y avait toujours la distribution de petits cadeaux, et je pense que c’est ce qui peinait l’institutrice. Mais elle était maline. Elle est venue me voir et m’a dit : « tiens, je te donne un petit livre, ce n’est pas un cadeau, il n’est pas emballé, c’est juste pour te faire plaisir ». Tout cela parce que ma maitresse m’avait vu pleurer en voyant tous les gamins qui ouvraient leurs cadeaux sous le sapin et moi j’étais à l’écart essayant de contenir mes larmes à 5 ans parce que je devais être fort et que personne ne devait me voir en état de faiblesse.  Alors là, je me trouvais devant un cas de conscience. J’ai finalement décidé de le prendre. C’était l’histoire d’un petit sapin qui résistait aux intempéries, pour finir à la dernière page… dans un salon couvert de guirlande pour Noël. A cette instant j’ai su que je ne pourrai pas le garder parce qu’il parlait de Noël, et je l’ai caché dans ma poche. Ensuite, lorsque ma mère est venue me récupérer à l’école, mon institutrice lui a raconté l’épisode des larmes en lui racontant malheureusement comment elle a réussi à me calmer. Ma mère m’a fusillé du regard, et je savais que c’était parce que je ne devais pas être faible et éveiller une quelconque suspicion envers Jéhovah et son organisation.
Dès qu’on est sortis de l’école, ma mère a demandé à voir le petit livre. Lorsqu’elle est arrivée à la dernière page, les réprimandes ont commencées : « Tu te rends compte que tu fais de la peine à Jéhovah, alors que tu sais bien qu’il déteste ces choses là ? Tu me déçois vraiment Nicolas.»
Arrivé à la maison, je me suis retrouvé cantonné dans ma chambre, puis convoqué dans la cuisine devant mes parents. Ils me dirent : « Tu dois prendre toi-même la décision de jeter ce livre à la poubelle ». Donc, moi à 5 ans, je prends le petit livre et je le dépose dans la poubelle. Mais, après le repas, je suis allé récupérer mon cadeau dans la poubelle, je l’ai caché sous mon pull et pendant tout le repas, j’ai eu l’impression qu’il me brûlait et que les yeux de Jéhovah m’accusaient, « J’ai vu ce que tu as fait ». Quelques temps plus tard, après avoir entendu un discours à la salle du royaume portant sur les actes cachés que l’on doit dévoiler, je suis allé ressortir mon petit livre de sa cachette et je l’ai jeté. Voilà dans quel esprit se trouve un enfant TJ.
Pour compléter ce tableau, voici un exemple typique. Tous les enfants ont peur du monstre sous le lit. Tous les parents leurs disent normalement que le monstre n’existe pas. Les parents TJ quant à eux disent à leur enfant que le monstre existe et qu’il s’appelle Satan, qu’il est là et qu’il rôde, que l’on est faible et donc qu’il faut prier Jéhovah pour en être protégé. C’est ainsi que toutes les nuits durant mon enfance, j’ai eu l’impression que les démons tournaient autour de mon lit et qu’ils me menaçaient. J’étais enfoui sous ma couette et je priais Jéhovah, terrorisé. C’était une véritable torture mentale pour un enfant d’être persuadé ainsi d’être la proie des démons.

Epilogue
JL :  Voici la présentation au verso du livre de Nicolas Jacquette  « Nicolas, 25 ans, rescapé des Témoins de Jéhovah ». Editions Balland 2009, qui a été attaquée en justice par les TJ invoquant la diffamation : « Nicolas Jacquette a vécu parmi les TJ jusqu’à l’âge de 22 ans, respectant les choix, assiduité et règles de la secte ; Pour des milliers d’enfants TJ en France, tout est prévu pour qu’ils deviennent d’excellents prédicateur, jusqu’au jour où il ose mettre en doute la vision du monde des TJ après des années d’endoctrinement et d’isolement ; Ce n’est qu’en 2004 qu’il en sort….Les révélations bouleversantes de NJ font la lumière sur les TJ. Il dénonce les dérives sectaires sous toutes leurs formes. »
Nous avions appelé cela la banalité du quotidien parce que suite à la diffusion de ce livre, Nicolas avait reçu beaucoup de lettres disant : « ceci n’est pas que ton histoire que tu racontes, c’est aussi la mienne »
Il  s’agit vraiment de quelque chose de mécanique chez les TJ
Cette mécanique passe par le langage, les mots qui dévoient le quotidien. Nicolas n’avaient pas des oncles et des tantes comme moi ou vous,  il avait des « frères » et des « sœurs » TJ…Ce qui est très différent, il suffit de voir ce qui lui reste de famille autour de lui depuis qu’il a quitté la secte.
De ce fait, à la fin de son ouvrage, il y a un glossaire, destiné à montrer que ces mots piégés font partie d’une mécanique banalisées chez les TJ ou dans d’autres types de dérives sectaires.
Tout cela est quantifié par des actes, des faits que l’on peut mettre en relation par exemple avec le milliard et demi de publications éditées chaque année.

NJ : La dernière année avant que je quitte les TJ, j’avais 21 ans. A cette époque, une petite fille de la congrégation de Paris où j’allais souffrait de leucémie. Et comme dans la plupart des cas  de leucémie, pour pouvoir traiter, il faut avoir recours à la transfusion sanguine. Les parents TJ se sont donc opposés à la transfusion  et l’état de la petite fille s’est dégradé. Les médecins ont réussi à la faire tenir quelques temps avec des techniques dites alternatives sur lesquelles les TJ fondent toute leur argumentation affirmant que la transfusion sanguine n’est pas une solution et qu’il existe d’autres possibilités, ce qui dans les faits n’est absolument pas le cas. La transfusion sanguine reste nécessaire dans beaucoup de cas médicaux.  Pendant ce temps, toute notre congrégation, et moi avec, soutenait les parents de l’enfant au cas où ils auraient eu un moment de faiblesse. On devait être derrière eux, leur écrire, leur téléphoner, tous les jours. Nous étions à l’hôpital avec eux et nous leur disions « Tenez bon ! Si le pire arrive, vous la retrouverez dans le paradis ». Il faut en effet bien comprendre que pour un TJ, tout cela n’est qu’une question de proportion, puisqu’il croit en la vie éternelle. Si l’on déroge à la volonté de Dieu, on ne gagne que 20, 30 ou 40 ans de vie ici bas, dans ce monde mauvais, mais l’on perd la vie éternelle dans un monde parfait et paradisiaque. Donc, les parents qui ne sont pas des méchants parents sont simplement persuadés qu’ils font le meilleur choix pour leur enfant, pace qu’ils ont été endoctrinés.
L’état de l’enfant a continué à se dégrader et un jour on nous a annoncé la mort de la petite Léa des suites de sa leucémie lors d’une réunion à la salle du royaume. Ce qui a été horrible, c’est ce qu’à rajouté l’ancien qui nous a annoncé cela : « Sachez le, frères et sœurs, dans son dernier moment de conscience, elle a dit au médecin qu’elle ne voulait pas de sang ». Elle avait 8 ans ; Comment peut-on avoir ce genre de discours à cet âge face à un médecin, si l’on n’est pas complètement endoctriné ?
Je sais qu’au même âge, j’aurai été pareil, fier de faire cela pour Jéhovah.  Voici le genre de dérive sectaire que l’on observe chez les TJ

Qu’en disent les TJ ?

Les TJ rétorquent à cela : « Parlez-nous du nombre de cas ? »
Effectivement, nous n’entendons pas beaucoup parler de cas, il y a eu juste l’année dernière un  jeune londonien qui a eu un accident de voiture et qui a refusé une transfusion sanguine et qui est mort ; L’affaire a fait la une des journaux. Il faut savoir que les TJ ont mis en place un Comité de Liaison Hospitalier (CLH) qui répertorie des listes entières de médecins et de chirurgiens prêts à opérer les TJ sans transfusion sanguine et à ne pas divulguer, du fait de leur responsabilité (secret médical), les cas où il y a des problèmes.  Les médecins sont consentants, les parents sont consentants, l’adepte hospitalisé est consentant, s’il y a un mort, personne ne portera plainte. Donc, si les cas qui ressortent sont rares, c’est grâce au système de Comité de Liaison Hospitalier qui permet aux TJ de faire passer quasi complètement sous silence le moindre cas de décès suite à un refus de transfusion sanguine.

Discussions

Est-ce que les TJ de terrain ne sont pas tenté de gonfler leur rapport mensuel d’activités, pour être bien considérés par leurs supérieurs ?
NJ : Je ne le crois pas car ils se sentent surveillés par Jéhovah. Moi, je ne mentais pas et si je n’avais pas prêché pendant un mois, j’étais honteux et il y avait les anciens qui venaient me voir pour savoir ce qu’il se passait.

Est-il vrai que les TJ sont souvent dépressifs ? En tous cas c’est ce qui ressort du livre de Charline Delporte « TJ, les victimes parlent »
NJ : Je pense que la dépression touche les TJ et aussi les adeptes d’autres mouvements sectaires. La raison principale est que ces mouvements sectaires s’évertuent à faire comprendre à leurs adeptes qu’ils sont des moins que rien et que leur seule perspective de salut réside dans le groupe. La perte de l’estime de soi est l’une des premières pierres du fondement sectaire

JL : Autre élément concourant à la dépression des TJ. Il y a dans ce mouvement une surveillance mutuelle des adeptes ainsi que l’auto-surveillance, puisque Jéhovah voit tout. Ceci s’exprime très bien au travers des comités judiciaires de TJ, des tribunaux internes chargés de juger les fautes des adeptes. On se souvient du scandale des abus sexuels sur des enfants qui ont été jugés par ces comités judiciaires et qui n’ont pas fait l’objet de procès devant les tribunaux civils. Il s’agit d’une justice parallèle ; Les comités de liaison hospitaliers relèvent aussi de cette logique interne d’institution parallèle. Et quand les choses ne sortent pas, les souffrances elles sont étouffées et  c’est évidemment le moral qui en prend un coup.

Qu’est-ce qui a déclenché chez vous le besoin de partir et comment vous débarrassez-vous de l’endoctrinement qui vous  imprègne depuis votre enfance ?
NJ : Ce qui m’a permis d’en sortir, c’est que dès l’âge de 13 ans j’étais dépressif.  La dépréciation personnelle induite par le mouvement et le fait qu’on m’interdisait d’avoir des amis en dehors des TJ, le besoin d’être accepté à l’école, j’avais en fait un très gros besoin des autres. Cette interdiction qu’on m’a imposé de me lier aux autres m’a poussé vers la sortie. Mais on ne peut pas quitter le mouvement  si  l’on n’est pas déjà près de la porte de sortie. Ces amis qui m’ont entouré, en fait, n’ont fait qu’appuyer sur le bouton de sortie. Ils m’ont demandé : « Est-ce que tu es heureux ? ». J’ai répondu : « Oui, nous sommes heureux ! » « Non, non, pas NOUS , est-ce TU es heureux ? », ont-ils répliqué. A ce moment là, je me suis rendu compte que je ne l’étais pas et c’était la première fracture avec le mouvement, suivie de plusieurs autres. Le processus de sortie et de purgation de l’endoctrinement s’est fait ensuite par l’écriture de mon livre autobiographique.  Ceci m’a conduit à étudier aussi d’autres mouvements dans lesquels j’y ai découvert les mêmes techniques de manipulations mentales. La seule chose qui les différenciait était le folklore cultuel. J’avais juste eu la malchance de naitre dans une famille TJ. J’ai mis tout cela en résonnance avec mon propre vécu. Cela a été un gros travail, mais il m’a permis de m’en sortir plus rapidement. Encore aujourd’hui, je constate que certains éléments de cet endoctrinement ressortent 5 ans après. Les notions manichéennes de bien et de mal par exemple. Les TJ bluffent tout le temps avec les chiffres. Lorsqu’ils veulent avoir raison dans une conversation, ils balancent des chiffres à la volée qui sortent de nulle part, mais qui dits avec tellement d’assurance qu’ils convainquent l’autre. Et ceci m’arrive encore dans certaines conversations où je manque d’arguments, d’utiliser ce procédé. C’est l’un des comportements compulsifs induits contre lesquels je dois encore combattre aujourd’hui. Il en ressort d’autres régulièrement que je découvre.
 


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